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LADMIRAL

Fils d’un notable mulâtre de Basse-Terre né esclave, Maurice L’Admiral poursuit à Alger un singulier parcours jusqu’à l’aube de la guerre d’indépendance. Avocat «indigénophile», il connaît une précoce notoriété avec sa défense des révoltés de Margueritte (1901) où, le premier, il retourne l’accusation contre les méthodes coloniales. Conseiller municipal au titre indigène de 1908 à 1919, il inspire la première délégation d’élus à se rendre à Paris revendiquer un accès élargi des Musulmans aux droits civiques.

Coopté comme bâtonnier par ses collègues européens en 1913, il reste également à la tête du barreau d’Alger jusqu’à la fin de la Grande Guerre. En 1939, le jeune journaliste Albert Camus fait écho dans Alger républicain à sa plaidoirie en faveur du cheikh Taïeb El Okbi dans l’affaire du meurtre du grand mufti. Après 1945, l’exemple de sa pugnacité encouragera aussi bien les jeunes défenseurs des militants nationalistes que l’étroite minorité des Européens «libéraux».

Se jouant de toutes les barrières de la société coloniale, la trajectoire hors normes de Maurice L’Admiral traverse ainsi sept décennies d’histoire algérienne. Elle permet d’interroger, tour à tour, le statut paradoxal du mulâtre dans une société d’ancien esclavage comme les Antilles, les formes de résistance à l’arbitraire et à la dépossession dans l’Algérie sous domination française, le mode d’émergence d’élites extra-européennes au sein de l’ancien Empire français, la place du combat pour l’égalité des droits dans la montée de la revendication nationale, de précoces tactiques judiciaires anticipant de plusieurs décennies ce que sera la pratique d’une « défense de rupture » après 1954.

Tel un chaînon manquant entre le Guyanais Ismaÿl Urbain et le Martiniquais Frantz Fanon, ce personnage annonce également le ralliement de plusieurs jeunes intellectuels antillais à la lutte algérienne de libération nationale : le poète Sonny Rupaire, les écrivains Guy Cabort, Daniel Boukman, le juriste Roland Thésauros, l’historien Oruno Lara… Le destin de Maurice L’Admiral illustre déjà la force du « détour » qui, selon Édouard Glissant, peut porter l’homme de la Caraïbe à échapper par la « recherche de l’Autre » à l’étroitesse des Vieilles Colonies.

Autant d’invitations à « repenser le colonialisme » pour en mieux saisir les contradictions concrètes aux Antilles comme en Algérie, sans ignorer le rôle des échanges et des solidarités entre colonisés de l’une à l’autre de ces situations si différentes dans l’Empire français

Issu d’une famille ayant vécu en Algérie pendant quatre générations, Christian Phéline a été coopérant au ministère de l’Agriculture et de la Réforme agraire peu après l’indépendance. Il a, par la suite, participé aux débats qu’appelait la « voie algérienne » de développement. Après une carrière dans l’administration française de la culture et des médias, il écrit aujourd’hui sur l’histoire de la période coloniale.

Parmi ses publications : Un Guadeloupéen à Alger Me Maurice L’Admiral (1864-1965) (Éditions Riveneuve, 2014) ; L’Aube d’une révolution. Margueritte (Algérie) 26 avril 1901 (Privat, 2012) ; Les Insurgés de l’an 1. Margueritte (Aïn-Torki), 26 Avril 1901 (Casbah Editions, 2012).

Christian Phéline prépare la publication de Camus et l’impossible Trêve civile, un récit de Charles Poncet suivi d’une correspondance avec Amar Ouzegane, présenté, annoté et commenté en collaboration avec Agnès Spiquel et Yvette Langrand (Gallimard, printemps 2015).